Giuseppe Bezza, Joe Fallisi

La synastrie: du bonheur à l'amitié

Il est difficile de dire quel a été le sens originel du mot grec sunastria. Si l’on juge par ses emplois non techniques qu’on trouve dans quelques textes astrologiques, on pourrait en conclure à une acception première d’antonyme de désastre. Le substantif sunastria et le verbe sunastrein signifieraient le bonheur, le secours, le fait de prospérer, d’être propice[1]. Par exemple, l’Anonyme de l’année 379, nous dit que l’étoile qui est sur la tête d’Ophiuchos promet le secours d’habiles médecins[2]; de plus, par le biais de Jupiter et de Mercure, la maladie peut être soulagée par la bienfaisance des médicaments[3].

Il est vrai que tout mot qui fait un long usage prend des acceptions nouvelles, plus ou moins distinctes de l’acception originale. Cependant, deux remarques s’imposent: en tant qu’antonyme de désastre, synastrie n’a pas eu de succès car, si les hommes gardent bien la mémoire des désastres, le bon règlement que le mouvement des cieux est censé exercer dans le monde sublunaire se dérobe à la conscience; de plus, même dans son acception technique, le mot sunastria est loin d’être commun. Il faut par contre le compter parmi les rares termes de la littérature astrologique grecque dont on peut dire qu’ils sont caractéristiques de la Tétrabible de Ptolémée. En fait, on trouve trois fois ce terme dans le chapitre Sur les amis et les ennemis de la Tétrabible (IV, 7), ainsi que chez les commentateurs et les paraphraseurs de Ptolémée lui-même, tels qu’Héphestion de Thèbes, Proclus et l’exégète grec anonyme. Parmi les autres astrologues, sunastria n’est pas un terme commun, on ne peut citer que Sérapion d’Alexandrie[4] et Julien de Laodicée[5].

Sous le mot sunastria Ptolémée ne comprend pas tous les liens de l’amitié. Au début de son chapitre, il distingue entre la sympathie et son contraire, l’aversion, d’un côté, et la synastrie et son contraire, l’antidikia, le désaccord. de l’autre. La sympathie serait le trait distinctif des amitiés les plus importantes, celles qui sont durables, la synastrie des amitiés moindres et temporaires. La synastrie ne serait donc qu’un accord accidentel, voire contingent, qui, étant occasionné par les vicissitudes de l’existence, est censé être relié aux mouvements des étoiles. Dans ce sens il faut entendre le passage du Pseudo-Callisthène[6] où le mensonger prêtre Nectanèbe observe sa propre nativité et celle d’Olympia, épouse de Philippe le Macédonien, pour savoir s’il y a entre elles un accord quelconque: ei sunastrei. Dans l’opposition même des propos d’Olympia et de Nectanèbe on peut déjà avoir un aperçu de la distinction entre la sympathie et la synastrie. En fait, Olympia, en craignant que son mari, au retour de la guerre, ne divorce d’elle, s’interroge sur les fondements de leur union. Nectanèbe, par contre, ne vise qu’à son propos: épris de la beauté d’Olympia, il veut la posséder.

Pourquoi cette distinction? Si les sentiments de la sympathie, remarque Nabod[7], sont quelque chose de congénital et demeurent les mêmes pendant toute la vie, les accords de la synastrie ne surviennent qu’avec le temps et avec le temps peuvent se dissoudre. Bien que les deuxièmes  se mélangent quelque fois avec les premiers, il est nécessaire de les garder distincts, car on peut bien dire que les uns existent en dehors du mouvement, les autres à cause du mouvement. Dans le chapitre sur les amitiés Ptolémée déclare d’abord quels sont les significateurs de l’amitité en nous disant que les lieux du Soleil, de la Lune, de la part de fortune[8], de l’horoscope sont les plus importants, voire les plus déterminants, kuriôtatoi. Ce terme doit être pris dans son acception aristotélicienne, à savoir: chacun de ces lieux est, dans cette question, cause principale et souveraine[9]. C’est-à-dire: tous les lieux qui constituent une nativité ont une signification propre dans ce jugement; il y en a cependant quelques uns qui priment sur les autres. En fait, on peut distribuer les quatres significateurs dans les trois genres de l’amitié dont Aristote parle dans l’Éthique à Nicomaque (surtout VIII, 2).

Il s'agit des trois genres que Ptolémée lui-même déclare (selon inclinaison ou choix, selon ce qui est utile, selon le plaisir et la souffrance), et qui correspondent aux trois objets aristotéliciens de l’amour: ce qui est bon, ce qui est utile, ce qui agréable. Les trois objets aimables engendrent l’amitié lorsqu’on éprouve, à l’égard d’un être animé, un sentiment de bienveillance.

Si l’objet aimable concerne ce qui est bon, qui comprend en soi tous les sentiments de l’humanité, de la compassion, de l’affection et de l’attachement, les significateurs seront le Soleil et la Lune. Ces amitiés demandent la bienveillance, la réciprocité, la conscience intime du fait.

Si l’objet aimable porte sur ce qui est utile, la parte de fortune sera le significateur. Ces amitiés sont plus suceptibles de se rompre, se forment le plus souvent entre personnes d’un certain âge, ne demandent aucune intimité.

Troisièmement, si l’objet aimable porte sur ce qui est agréable, l’horoscope sera le significateur. Ptolémée nous dit: plaisir et souffrance, mais en français on pourrait dire affection, car l’affection, selon ce que remarque Alain, est tout ce qui nous intéresse par quelque degré de plaisir ou de peine. Il s’agit d’amitiés qui se forment et se dissolvent facilement, qui se réalisent le plus souvent dans la jeunesse, et qui demandent une certaine intimité.

Aristote caractérise chacune de ces activités par un verbe d’action qui est le sien. Au premier genre, philein, c’est-à-dire aimer dans tous les sens du mot français. Au deuxième genre, agapan, à savoir le plaisir qui implique le respect, l’admiration, l’estime. Au dernier genre, le verbe sterghein, qui indique la tendresse vers l’objet aimé ou, au moins, la joie qu’on a à aimer. Il est néanmoins évident que les amitiés du premier genre sont les plus intimes et les plus stables. Dans le chapitre Sur le mariage (IV, 5), Ptolémée ne mentionne que deux significateurs: le Soleil et la Lune, car le Soleil signifie l’esprit, la réalité pensante, la Lune les propos, les intentions, les desseins qui naissent autour de l’objet de la pensée. Ainsi, comment ne pas compatir à la femme du docteur Strong quand, dans le David Copperfield, elle s’exclame: il n’y a pas disparité plus grande dans le mariage que l’incompatibilité d’esprit et de propos!

Et les autres significateurs? De même que l’horoscope n’existe que par la lumière du Soleil, à savoir par l’émanation lumineuse solaire qui produit l’alternance entre jour et nuit, la part de fortune est liée à la Lune, dont elle peut être considérée (presque) comme son horoscope. Et son existence repose sur le cycle lumineux de la lunaison. Ces deux significateurs ne parcourent pas le ciel réel, ainsi que les étoiles fixes et errantes, ils n’ont pas, comme les planètes, une orbite à eux, ils n’ont pas une lumière, mais de la lumière ils naissent et de la lumière ils dépendent. L’horoscope partage le jour de la nuit, la part de fortune mesure la vieillesse de la Lune. L’un et l’autre (le jour et la lunaison) ont été interprétés comme deux cycles de la vie et, avec le cycle de l’année, ils  sont maintes fois remémorés par Aristote dans ses Recherches sur les animaux. Cette fonction de partager, de mesurer qualifie ces deux significateurs secondaires en tant que limite, voire même aboutissement, des significateurs premiers. En tant que limite de l’esprit, l’horoscope signifie, en fait, le corps, sans lequel l’esprit ne peut ni exister, ni émaner, tel, par exemple, l’esprit du vin de Paracelse. De même, en tant que mesure de l’âge de la Lune, la part de fortune exprime l’aboutissement des propos et des desseins, leur réalisation.

Ce qui précède veut justifier le choix ptolémaïque des significateurs. Cependant, puisque le style de Ptolémée est extrêmement concis, il demande à être interprété. L’exégète de Ptolémée lit des théorèmes, dont il doit tirer des déductions, des corollaires. Prenons par exemple l’horoscope, le dernier des quatre significateurs. On peut l’appeler le dernier, car l’horoscope enseigne sur le plaisir, à savoir sur quelque chose, nous dit Aristote (Eth. Nic. II, 2), qui n’est pas propre à l’homme seulement, mais à tous les animaux. Prendre l’horoscope comme significateur, nous dit Ibn Abî ar-Rijâl[10], signifie aussi prendre en compte son maître et les planètes qui suivent de près l’horoscope. Ainsi, si le maître de l’horoscope se lève à l’horoscope, l’homme se prendra d’affection pour ceux qui sont nés sous les signes de cette planète. Si par exemple se lève la Vierge et Mercure est à l’horoscope, pour ceux qui sont nés au lever des Gemeaux et de la Vierge. Mais si à l’horoscope se trouve une autre planète, il se prendra d’affection pour ceux qui sont nés sous les signes de cette planète: si se lève la Vierge, et Jupiter est à l’horoscope, pour ceux qui sont nés sous le Sagittaire et les Poissons. En troisième lieu: si le maître de l’horoscope d’un tel se trouve à l’horoscope d’un autre, on peut dire qu’ils auront de l’affection mutuelle, surtout si les deux signes qui sont à l'horoscope se lèvent avec des temps équinoxiaux égaux (isanaphora). Exemple: si dans une nativité se lève le Belier, dans l’autre les Poissons, et Mars est à l’horoscope de cette dernière (et encore plus, bien entendu, si Jupiter est au même temps à l’horoscope de la première).

Ces argumentations d’Ibn Abî ar-Rijâl constituent un élargissement de la doctrine ptolémaïque et on en trouve des éléments éparpillés chez les commentateurs de Paul d’Alexandrie, Héliodore, Olympiodore. Les couples des signes sur lesquelles on met l’accent sont celles d’égale ascension, que nous retrouverons par la suite, mais aussi les signes homozôna, unius cingulis, congrus[11], sont concernés, ainsi qu’on peu voir par l’exemple de Julien de Laodicée: si un homme nait au lever du troisième degré du Belier et dans la nativité d’un autre Saturne occupe le troisième degré du Scorpion, ces deux hommes seront l’un l’autre hostiles et, en particulier, le deuxième meprisera les actions du premier[12].

De plus, une argumentation plus poussée enrichit le théorème d’une façon indispensable et lui enlève l’apparente rigidité. Geminos nous dit que «les Chaldéens utilisent les signes opposés pour établir les accords (ta ... sumpatheia) dans les thèmes de géniture. En effet, les gens nés sous des signes diamétrales semblent éprouver une affection mutuelle (sumpaschein allêloi[13]. Cette sentence sur la figure d’opposition on la retrouve en partie chez Olympiodore, qui lui attribue une qualité moyenne (en rapport au bien et au mal)[14]. Geminos parle ici des signes du zodiaque considérés dans leur nature simple, on pourrait dire élémentaire, et il emploie le verbe sumpaschein, le même employé par Platon (Resp. 605D) quand il veut montrer la participation émotive du spectateur pour l’acteur sur la scène. Cette participation émeut les sentiments de joie et de souffrance, renforce l’élément affectif de l’âme, change par accident la complexion substantielle de l’être humain, car le phlegmatique peut pleurer comme le sanguin, s’exciter comme le bilieux, s’attrister comme le mélancolique. Elle est une affection irrationnelle qui amène des altérations dans le corps, qui engendre un processus physiquement perceptible. Elle n’est donc pas différente d’un développement pathogène: quand une partie du corps souffre (paschei), écrit saint Paul dans la première lettre aux Corinthiens (12,26), toutes les autres parties souffrent avec elle (sumpaschei).

On juge des parties du corps, des humeurs, de leur mélange et de la complexion de l’être humain selon la nature des signes du zodiaque, de celui qui se lève notamment, ainsi que selon la nature et la condition du maître de ce dernier. On peut donc comprendre pourquoi Ptolémée a posé l’horoscope parmi les significateurs de l’amitié et pourquoi l’a placé parmi les secondaires.

Dans le texte de Geminos, nous lisons par la suite: «D’autre part, les positions des planètes dans des signes diamétralement opposés (…) amènent en même temps un bien et un mal aux naissances, suivant les vertus qu’on a attribué à chaque planète». Il y a là quelque chose qui est sousentendue et qui doit être explicitée.[15] Geminos parle des figures diamétrales, mais son argumentation peut être étendue à toutes les figures. Le bien et le mal, l’entente et la mésentente ne s’avèrent pas, tout simplement, par une identité ou par une figure parmi les signes du zodiaque. Si un tel est né au lever de la Vierge, un autre au lever du Capricorne, un troisième au lever du Taureau, est-ce qu’on peut dire que c’est l’élément terreux, l’humeur mélancolique, la saveur acide, le caractère féminin de ces signes qui produit de l’affection, voire une affinité parmi tous ces trois êtres? Certainement non. On sait bien que ceux qui naissent au lever de ces signes ne sont pas tous des mélancoliques. Il faut donc considérer d'une manière attentive la planète qui a un témoignage sur la complexion humorale. C’est dans ce sens que nous devons lire les observations d’Ibn Abî ar-Rijâl, ainsi que la condition posée par Geminos: «Suivant les vertus qu’on a attribué à chaque planète».

Ainsi, quand on lit des aphorismes tel celui de Kûshyâr ibn Labbân: «Si l’horoscope de la femme est le septième signe dans la nativité de l’homme, les jours de leur union seront très longues»[16], on ne doit pas s’en tenir strictement à la lettre, mais juger aussi selon la présence et la maîtrise des astres. Si dans la nativité de l’homme les Poissons se lèvent, dans celle de la femme la Vierge, l’aphorisme aura une confirmation certaine si Jupiter (ou Vénus) est à l’horoscope chez la femme ou Mercure chez l’homme. Mais si aucune planète est à l’horoscope, il faut observer les maîtrises. Si, par exemple, dans ce cas là, Jupiter, maître des Poissons, se trouve dans un signe de Mercure et en même temps Mercure, maître de la Vierge, dans un signe de Jupiter, on peut dire qu’il y aura sûrement une entente.

Le sens de ce qui précède est qu'on ne peut pas juger de l'amitié par les seuls rapports entre les significateurs. Si dans une nativité la Lune est dans la Balance, tandis que l’autre présente le Soleil dans le Verseau, ce rapport de trigone n'est pas suffisant, lui seul, à produire un accord. C'est là un principe maintes fois remémorée dans la littérature astrologique. Vettius Valens écrit:

Il y a harmonie et entente parmi les parents, lorsque <dans la nativité des fils> les luminaires et leurs maîtres s'accordent entre eux. Lorsque l'astre qui accueillit le Soleil est concorde vis-à-vis de la Lune, et celui qui accueillit la Lune est concorde vis-à-vis du Soleil.[17]

Cette démarche du raisonnement comprend toutes les figures, tous les rapports, même les plus remarquables, notamment ceux qui reposent sur le principe général de la réception, que Ptolémée contemple implicitement au début du chapitre sur les amitiés, lorsqu’il parle de l’enallaghê, commutatio, échange de lieux. Cette réception est déclarée aussi par Vettius Valens, dans le passage cité, lorsqu'il parle de l'astre qui accueillit, ho hupodocheus. Si deux êtres naissent, l'un avec le Soleil, l'autre avec la Lune, dans le même signe, est-ce qu'on peut dire que c'est là, nécessairement, l'indice d'une sympathie? Ou, par contre, si les deux luminaires sont l'un opposé à l'autre, un indice d'antipathie et d'aversion? Encore non, si l'on se rappelle l'avertissement de Geminos: suivant les vertus des planètes qui témoignent, car elles seules peuvent confirmer ou nier. Bref, l'astrologue se trouve devant un ensemble d'indices dont chacun, pris par soi même, ne constitue pas une expérience.

Supposons maintenant que le Soleil d'une part et la Lune de l’autre se trouvent dans le signe de la Balance. Il faudra considérer les astres qui ont un rapport avec ce signe, par domicile, élévation, etcetera. Et, de plus, les témoignages des cinq planètes au lieu de cette conjonction. Toutes ces considérations doivent aboutir à la découverte de l’astre qui accueillit, l' hupodocheus de Vettius Valens, l'hospes de Firmicus[18]. De cette planète dépend le jugement sur la quantité et la qualité:

Des félicités de ton hôte, tu tires un joyeux mouvement d'allégresse,... de son infortune, t'accable toi aussi.[19]

Dans la littérature astrologique grecque, la question de la sympathie et des amitiés ne se réduit pas à l'exposé de Ptolémée, néanmoins le seul, à notre connaissance, qui nous ait donné un développement raisonné, et les sentences 32 et 33 du Centiloquium sont un écho de sa doctrine. Les astrologues de l'antiquité tardive font souvent ressortir le rôle de la Lune. L'accent mis sur la Lune se retrouve, en particulier, dans les initiatives (katarchai) qui demandent la connaissance de la nativité d'une personne avec laquelle on veut établir un rapport. Maxime d'Ephèse écrit:

Si l'on observe la nativité d'un tel et on veut lui solliciter un service, il faut le lui demander quand la Lune arrive au lieu opposé de sa naissance.[20]

De même, lorsque le signe de l'année (à partir de l'horoscope) - on lit dans un recueil anonyme -  est le signe où se trouve la Lune d'un tel, dans cette année-là on peut se lier d'amitié avec cette personne[21]. C’est dans le même recueil qu’on peut lire une description très bonne, aussi bien que concise des figures qui régissent la sympathie mutuelle. Ici encore, le rôle de la Lune est très accentué:

Les nativités qui montrent sympathie et amitié sont celles où les deux Lunes tombent dans le même signe, celles où une étoile bienfaisante se trouve dans le lieu de la Lune de l'autre, ou encore en trigone, celles où les deux parts de fortune se trouvent dans le même lieu, ou encore la part de fortune d'une nativité tombe dans le lieu de la Lune de l'autre; celles où les deux Soleils se trouvent dans le même signe ou encore la Lune tombe dans le lieu où se trouve le Soleil de l'autre, ou bien se regardent par trigone; celles où la Lune d'une nativité se trouve dans le milieu du ciel de l'autre, ou encore dans le douzième ou sixième lieu. Enfin, celles où Lune et Soleil se trouvent dans des signes qui se voient ou, surtout, qui s'écoutent.

Il y a dans ce texte deux éléments qui nous permettent de mieux préciser l'exposé même de Ptolémée. Le premier porte sur la convenance des significateurs à l’égard de leur nature propre: le Soleil et l'horoscope appartiennent au parti du jour (hairesis hêmerinê), la Lune et sa sort, la part de fortune (Tychê), au parti de la nuit (hairesis nukterinê). Ici, donc, ce qui est convenable, c'est le rapport mutuel parmi les significateurs du même parti, bien que cela ne signifie pas nier toute sympathie aux partis contraires. Le deuxième introduit certaines classes des signes du zodiaque (qui se voient et qui s’écoutent), qui ont une importance capitale. Sur les concepts du regard et de l'entendement mutuel repose, en fait, tout lien d'amitié.

Il conviendra, pour exposer en extrème synthèse et en guise de conclusion les règles principales qui informent les jugements et qui intègrent en fait le texte de l’Anonime qu’on vient de citer, de revenir au chapitre sur le marriage de la Tétrabible (IV, 5).

Ces règles découlent de l’importance qu’il faut donner aux différents significateurs, avant tout a l’intérieur de chaque géniture en elle même. C’est pourquoi Ptolémée traite préalablement, d’une facon détaillée, les questions suivantes:

  1. si le natif se mariera ou restera célibataire;
  2. s’il se mariera jeune ou agé;
  3. si le conjoint sera plus jeune ou plus agé;
  4. s’il se mariera plusieures fois;
  5. quelle est la nature du conjoint et la quantité de sa vie;
  6. la concorde ou bien la discorde entre les conjoints.

Ce n’est qu’une fois établi avec certitude quelles sont les tendances radicales, vis à vis des rapports associatifs, propres à chacun des deux sujets (et seulement sur cette base) que cela a un sens de juger à propos de la possible union entre les mêmes.

Pour ce qui concerne la dialectique entre les astres, voire l’essentiel, et toujours en tenant compte des considérations qui précèdent sur l’importance des maîtrises, sont durables les unions dans lesquels les luminaires s’observent d’une façon harmonique, c’est à dire par la conjonction, le trigone, l’exagone, la permutation des lieux et la déclinaison, la configuration de la Lune de l’homme avec le Soleil de la femme étant en tout cas la condition la plus avantageuse. L’image de la mère, aussi que de la femme en général et de l’épouse en particulier, est signifiée en effet, chez l’homme, par la Lune, ainsi que celle du père, de l’homme et du mari par le Soleil chez la femme. De même, propices sont les regards similaires entre la part de fortune de l’homme et la part de génie de la femme et, à une échelle mineure, de Tychê de la femme avec Daimôn de l’homme, de Tychê de l’homme avec le Soleil de la femme (et de Daimôn de la femme avec la Lune de l’homme) et, encore, ceux de Vénus et Jupiter avec le Soleil et la Lune.

Quant à l’attraction physique, les deux principales significateurs seront, bien evidemment, Mars, principe masculin du déploiement de l’energie, et Vénus, astre féminin de l’amour et de la volupté. Avec la même préférence qu’on a vu à propos des luminaires: planète masculine dans la femme, féminine dans l’homme. Le trigone et, d’une facon plus atténuée, l’exagone et les aspects par déclinaison indiquant l’attraction et le plaisir qu’on en tire et qui résiste dans le temps, carré et diamètre signifiant au contraire un excès destiné à brûler rapidement. Mais il faudra remarquer aussi les configurations favorables entre Vénus et la Lune[22] (encore plus puissantes, comme dans le cas de Mars et Vénus, si avec permutation), puisque le désir réside dans l’élément humide et les deux astres féminins sont les plus humides entre tous. L’attraction aboutira plutot à la bienveillance et à l’affection et son object spécial sera la Lune, déesse nocturne de la réceptivité.


1 Cfr. un tel emploi chez Eusèbe d’Alexandrie (VIe/VIIe siècle) dans ses Sermons sur la vie du Christ, Migne PG LXXXVI, 1, 453C.

2 iatrôn aristôn sunastrias CCAG VIII,4, pag. 181,21.

3 pharmakôn sunastrias CCAG V,1, pag. 209,24.

4 Catalogus Codicum Astrologorum Græcorum (CCAG) V, 1, pag. 180, 10.

5 Parisinus græcus 2506, fo. 120v; Parisinus græcus 2424, fo. 134v.

6 I, 4; éd. C. Mullerus, pag. 4.

7 Valentini Naibodæ Mathematici præclarissimi IN Claudii Ptolemæi Quadripartitæ Constructionis Apotelesmata Commentarius novus et Eiusdem Conversio nova, ms. BM Sloane A 216 XVI G, fo. 309r.

8 Pour ce qui concerne le calcul des sorts v. M. Fumagalli, La sorte oraria: il vero oroscopo lunare, "Phôs" n. 2, 2001, pp. 10-12, et le texte originel de F. Brunacci e F. M. Onorati, ibid., pp. 13-15; Joe Fallisi, La dea bendata, "Phôs" n. 3, 2001, pp. 14-21.

9 Cfr. l’interprétation de F. A. Trendelenburg,  (Aristotelis de Anima libri tres. Ad interpretum græcorum et codicum fidem recognovit, commentariis illustravit Fr. A. T., Berolini 1877, pag. 310) de anima  II, 8; 419b19.

10 Praeclarissimus liber ... V, 13.

11 Les signes qui ont le même maître: Bélier-Scorpion, Taureau-Balance, Gémeaux-Vierge, Sagittaire-Poissons, Capricorne-Poissons.

12 Parisinus græcus 2506, fo. 120v; Parisinus græcus 2424, fo. 135r.  

13 Introduction aux phénomènes, ed. G. Aujac, II, 1; pag. 10. On a changé la traduction d’Aujac, qui ne convient pas au sens du texte.

14 ed. Boer pag. 5,15.

15 On a remarqué auparavant que la traduction de G. Aujac fausse le sens du texte, cela surtout à cause du préjugé vis-à-vis de l’astrologie. Or, si on va commenter ce texte astrologice, cela ne veut pas dire qu’il faut considerer Geminos un astrologue. Il est aussi bien possible qu’il s’agit ici d’une interpolation.

16 Kûshyâr ibn Labbân, Introduction to Astrology, edited and translated by Michio Yano, Tokyo 1997, (III, 14) pag. 205.

17 II, 33; Kroll 105,3-4.

18 Cfr. II, 20, 7ss. On doit faire toujours cette recherche, parce que l’upodecheus n’est pas toujours le maître du domicile, bien qu’il le soit très souvent.

19 II, 20, 9-10, trad. P. Monat.

20 P. Radice Colace, Le parafrasi bizantine del peri; katarcw`n di Massimo, Messina 1988, pag. 63.

21 Vaticanus gr. 1056, fo. 238V.

22 Pour l’évaluation de la force et du sens de tout aspect de sympathie/synastrie il est important de remarquer dans quelles Maisons (cardinales, succédentes ou cadentes) résultent placés réciproquement les deux facteurs, qui est “suréminent” entre eux et s’ils sont en rélation ou pas avec les bénéfiques et/ou les maléfiques. De même, en analogie avec les génitures individuelles, si l’aspect en question va se former, ou vient se dissoudre et, plus en général, tous les divers rapports et familiarités entre les astres dans les signes (v. G. Bezza, Commento al primo libro della Tetrabiblos di Claudio Tolemeo, op. cit., pp. 106-173, 254-308, 369-411). On peut noter que dans le domain de l’attraction physique les significateurs concernés appartiennent tous au parti de la nuit.